lundi 7 juillet 2008

Nouvelles de Côte d'Ivoire: Un cercueil “désigne” ses “meurtriers”

Un cercueil “désigne” ses “meurtriers” :
Le lynchage entraîne un mort et une personne dans le coma

lundi 7 juillet 2008 - Par Fraternité Matin

Horrible est ce qui vient de se passer à Oghlwapo (Alépé). Le cadavre désigne ses “meurtriers”, la foule se déchaîne sur ceux-ci. Une femme, Mme Manda Dorcasse, âgée d’une soixantaine d’années, été lynchée samedi par les habitants de son village. Notamment ceux du quartier Domolon, selon plusieurs témoignages. Trois autres personnes parmi lesquelles deux hommes ont été également battues à sang. Ce sont MM. Ossoukou Raymond, âgé de 76 ans, planteur ; Kodja Djédji, 53 ans, planteur, et Mme Agré Sopie Martine, 73 ans, ménagère. Tous, dans un état très critique, ont été conduits le même jour à l’hôpital général d’Alépé par leurs parents, le corps de la défunte étant à la morgue du même établissement sanitaire. A l’origine, une affaire de sorcellerie. Disons plutôt, une affaire de cercueil. En effet, ces quatre vieillards auraient été désignés par le cercueil de Odi Kélié Hassane comme étant ses meurtriers. Ils l’auraient «bouffé» en sorcellerie. Le défunt en question est le fils de M. Kélié Odi, chef adjoint du village. Odi Kélié Hassane, 27 ans, précédemment étudiant en année de BTS, à Abidjan, y a trouvé la mort, le 21 Juin, des suites d’une courte maladie. Sa dépouille mortelle a été transférée au village (Oghlwapo) vendredi dernier. Une veillée s’en est suivie le même jour, jusqu’au petit matin. Ces «sorciers» qui n’ont aucun lien de parenté avec la famille du défunt, auraient été désignés, juste après la messe de requiem (la population y est majoritairement chrétienne). Précisément, à 11 heures, au moment où, six jeunes gens emmenaient le cercueil vers le corbillard, pour le cimetière. selon des témoignages le cercueil auraient évité le corbillard et foncé dans le village avec ses porteurs. Dame Manda, qui se trouve être la voisine du sous-chef, a été la première à être désignée. Pendant qu’on lui réglait son compte, les porteurs fouillaient dans les cours pour d’éventuels complices de la vieille femme. Ainsi, trois autres seront successivement désignés. Et à chaque fois, les jeunes du quartier auxquels se sont joints des parents de la victime (selon des témoignages), sanctionnaient les coupables du meurtre du fils du sous-chef. Ainsi, à l’aide de cailloux, morceaux de bois, machettes, de pelles, morceaux de brique…, ils ont assassiné sur le coup, une des deux femmes ; la première à être désignée. L’autre, dame Agré Martine, considérée comme morte par ses bourreaux, a été abandonnée alors qu’elle avait perdu connaissance. Elle était encore dans un coma profond samedi soir, à l’hôpital d’Alépé. Quant aux deux hommes, l’un d’entre eux, M. Kodja Djédji, a été défiguré par les jeunes déchaînés. Son corps, notamment sa tête, porte des blessures. M. Ossoukou Raymond (c’est le plus lucide parmi les victimes), lui, dit avoir reçu au bas ventre, un violent coup de pied d’un parent du défunt, un certain Lagou Clément. Son urine est mélangée de sang. Une sonde lui a été placée. Alertée par le sous-préfet, la brigade de gendarmerie d’Alépé a dépêché des agents sur les lieux pour un constat.Casimir DjezouEnvoyé spécial Une victime témoigne: “J’ai été battu à tort” Parmi les quatre victimes des atrocités qui se sont déroulées samedi à Oghlwapo, il y en a une qui a pu nous relater les circonstances de sa bastonnade. Les autres étant dans un état critique. Il s’agit de M. Ossoukou Raymond, âgé de 76 ans. Il a reçu un « violent » coup de pied d’un certain Lagou Clément, dans le bas-ventre. Une sonde lui a été posée à l’hôpital d’Alépé où il a été conduit par ses parents. Selon lui, il a été battu à tort. «Le cercueil ne m’a même pas désigné», affirme-t-il. Avant d’expliquer : «Nous étions nombreux à la place publique, en train de collecter les dons pour la famille éplorée. Subitement, nous avons aperçu le cercueil (porté bien entendu par des jeunes gens) venir vers nous. Tout le monde s’est alors levé. Une fois à notre niveau, le cercueil s’est mis à se dans faufiler la foule. Il ne m’a même pas touché. A ma grande surprise, un des parents du défunt, en la personne de Lagou Clément me prend par le col en me lançant: “C’est vous les vieux-là qui tuez les jeunes non» ! Je n’ai pas eu le temps de répondre qu’il a commencé à me rouer de coups. J’ai riposté en le tapant avec ma canne. Et les gens se sont interposés pour nous calmer. On m’a même aider à quitter les lieux. Mais, n’étant pas satisfait, Lagou Clément m’a suivi et a réussi à me donner un coup de pied dans le bas-ventre. Il a même promis de me tuer, dès qu’il me verra. Malheureusement, je n’ai personne pour me défendre». Mme N’Gninin Odile, fille d’une autre victime (celle qui est dans le coma), elle, indique qu’elle n’a rien à dire. Pour elle, si sa mère meurt, c’est que Dieu l’a rappelée auprès de lui. Elle dit ne pas savoir si sa mère est sorcière ou non. D’autant plus que ce sont des choses mystiques. Tout comme elle, tous les autres parents des victimes se refusent à tout commentaire. Peut-être par peur de représailles. C. Djezou Nestor Douon Ouohi (sous-préfet)“Il nous faut une brigade de gendarmerie” La sous-préfecture d’Oghlwapo, dans le département d’Alépé, est une zone véritablement confligène. Selon M. Nestor Douon Ouohi , le sous-préfet, les villages M’Batto ou Gwa sont constamment en conflit. Soit avec leurs voisins (Abouré ou Akyé), soit entre eux-mêmes. Et, ces conflits finissent toujours par des agressions et assassinats. Au point que les fêtes de génération ont disparu. Attitude qui, dira le sous-préfet, est en contradiction avec leur religion. Car c’est un peuple essentiellement chrétien. «A Oghlwapo par exemple, il y a au moins un prêtre par famille», a indiqué, samedi, M. Nestor Douon Ouohi. C’est pourquoi le sous-préfet souhaite que soit ouverte dans le chef lieu de sous-préfecture, une brigade de gendarmerie, afin de dissuader les esprits malsains et de protéger les populations. Revenant sur les faits de samedi (l’assassinat d’une dame et la bastonnade de trois autres), le sous-préfet a indiqué qu’il a demandé, dès son arrivée dans la localité l’an dernier, à travers une circulaire, que la pratique du «port de cercueil» soit supprimée. C. Djezou •Le chef adjoint décline toute responsabilité Notre surprise fut grande samedi, face à la réaction du chef adjoint du village de Oghlwapo, M. Kélié Odi, père de Odi Kélié, l’étudiant dont la mort est à la base de la barbarie. En effet, le chef adjoint, qui, par ailleurs assure l’intérim du chef, absent, dit ne pas être informé de l’assassinat d’une personne, sa voisine de surcroît, et des atrocités dont ont été victimes trois autres, pour avoir «bouffé» son fils. En dépit de toutes nos interrogations, M. Kelié, ses enfants ainsi que d’autres parents venus le soutenir, sont restés sur leur position. En soutenant mordicus n’être au courant de rien. En revanche, ils reconnaissent avoir perdu un des leurs dont l’enterrement vient de se faire. Le chef indique qu’il était dans la maison au moment où «les gens» emmenaient le corps au cimetière, conformément à la tradition. Et comme pour se ridiculiser, il y en a qui affirment même qu’ils viennent d’arriver. Alors que selon des témoins qui ont préféré garder l’anonymat, ils ne seraient pas du tout étrangers à tout ce qui s’est passé samedi. Au regard de cet imbroglio, (on peut qualifier la situation ainsi) on est fondé à s’interroger sur les vraies raisons de l’assassinat de dame Manda, la voisine du chef adjoint, et de la bastonnade des trois autres. Qui, rappelons-le, ne font pas partie de la famille Kélié. Même les porteurs du cercueil étaient introuvables dans le village pendant tout le temps que nous y avons passé (environ 4 heures). Où, personne ne veut en parler, encore moins assumer quoi que ce soit. Toutefois, M. Kélié Odi rappellera qu’Odi Kélié est son deuxième enfant sur douze qu’il perd en moins d’un an. Et qu’en plus, outre son fils décédé le 21 juin, il a perdu un cousin dans le même village, le 22 juin. Il …n’en dira pas plus.
C. Djezou

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